INichée sur la côte sud de Minorque, Cala Binigaus s’étend sur du sable doré, entre falaises ocres et mer turquoise, dans une atmosphère paisible que même l’été n’arrive pas à troubler totalement. Je m’y suis rendue un matin de septembre, sac sur le dos et chaussures de marche aux pieds. Le sentier serpentait à travers la garrigue, embaumée de romarin et de pins chauffés par le soleil. Le silence, juste ponctué par le chant des cigales, donnait l’impression de suivre une route hors du temps.
Cala Binigaus : une plage entre nature brute et douceur minorquine
Lorsque je repense à Cala Binigaus, c’est d’abord le silence qui me revient. Pas celui, pesant, des lieux oubliés, mais celui, apaisant, des espaces encore préservés. Une plage où la mer et la terre se rencontrent sans artifice, où les vacanciers se fondent dans le décor au lieu de l’envahir. Sur cette côte sud de Minorque, tout semble s’accorder à un rythme lent, presque méditatif.

Un bout du monde à deux pas de San Tomás
Cala Binigaus se situe à quelques encablures du village balnéaire de Santo Tomás, un lieu paisible bordé d’hôtels discrets et de résidences familiales. Pourtant, dès que l’on quitte la promenade principale, la modernité s’efface. En dix à quinze minutes de marche à peine, le bitume cède la place à un sentier sablonneux bordé de pins et de murets de pierre sèche, typiques de Minorque.
Le chemin suit une portion du Camí de Cavalls, cet ancien sentier équestre qui fait le tour de l’île sur près de 185 kilomètres. Une fois engagée sur cette voie, on sent presque battre le cœur de Minorque : celui d’une île où le respect de la nature prime encore sur la vitesse.
Ceux qui aiment marcher peuvent aussi partir du village d’Es Migjorn Gran, un itinéraire plus long mais fascinant. Il serpente entre les collines rouges et la garrigue parfumée avant d’atteindre la Cova des Coloms, une grotte monumentale surnommée la cathédrale de Minorque. En pénétrant dans cette cavité de 24 mètres de haut, on comprend vite pourquoi : la lumière s’y faufile comme à travers des vitraux, et l’air y reste frais même sous la chaleur écrasante de midi.

Une plage sauvage et accueillante
À l’arrivée, Cala Binigaus s’étire sur plus d’un kilomètre : une large bande de sable blond bordée d’une mer turquoise, si claire qu’on distingue les fonds marins à plusieurs mètres. Les familles s’installent plutôt du côté de San Tomás, où la baignade est douce et peu profonde. Plus on s’avance vers l’ouest, plus la plage se fait discrète, fréquentée par quelques naturistes et amateurs de tranquillité.
Là, le décor change subtilement : les falaises d’argile prennent des teintes rouges et orangées, contrastant avec le bleu de la mer. En s’y promenant, on découvre parfois des cavités creusées dans la roche, refuge des goélands ou abri de fortune pour les promeneurs.
Ce qui frappe à Binigaus, c’est l’absence de tout superflu. Pas de transats alignés, pas de musique, pas de parasols uniformes. Juste le murmure des vagues, quelques conversations à voix basse, et la sensation rare d’être face à quelque chose d’authentique.
Une nature à observer, pas à consommer
Cala Binigaus est une plage vivante, dans tous les sens du terme. Au fil des saisons, son visage change : les tempêtes d’hiver redessinent le rivage, déposant ou retirant le sable comme pour rappeler que rien n’est figé. Au printemps, la végétation alentour reprend vie — lentisques, genévriers et pins d’Alep diffusent un parfum résineux sous la brise marine.
C’est aussi un lieu d’observation discret. Les chevaux minorquins, sombres et fiers, croisent parfois les randonneurs le long du sentier. Plus au large, l’îlot de Binicodrell attire les amateurs de plongée et de snorkeling. Les fonds y sont riches, peu profonds, peuplés de poissons colorés et d’algues oscillant lentement sous le courant.
Activités autour de Cala Binigaus
Même si la plage invite naturellement au farniente, les alentours offrent une belle palette d’expériences :
- Randonnée sur le Camí de Cavalls, avec des panoramas sur la mer et la côte découpée.
- Exploration de la Cova des Coloms, accessible depuis Es Migjorn Gran, pour un avant-goût d’aventure souterraine.
- Balades côtières vers les criques voisines de Cala Escorxada ou Cala Mitjana, plus petites mais tout aussi séduisantes.
- Paddle ou kayak depuis San Tomás, pour longer la côte et découvrir Binigaus vue depuis la mer.
Chaque activité révèle un autre visage de cette plage : celui d’une Minorque simple, sincère et un peu sauvage, où l’on retrouve le goût du contact direct avec la nature.
Le charme d’un lieu sans service
Il faut le savoir : Cala Binigaus est une plage “à l’ancienne”. Aucun service, aucune infrastructure, pas même une douche ou un bar. C’est ce qui fait son charme… à condition d’être préparé.
Mieux vaut emporter son pique-nique, de l’eau, et tout ce dont vous aurez besoin pour la journée. La bonne nouvelle, c’est que San Tomás n’est qu’à quelques minutes : on y trouve restaurants, supérettes et même un chiringuito, Es Bruc, parfait pour boire un verre au coucher du soleil après la marche du retour.
Le soir, la plage se vide lentement. Les familles replient leurs serviettes, les derniers nageurs s’attardent dans l’eau tiède, et le ciel se teinte d’orangé. C’est le moment où Cala Binigaus dévoile sa plus belle lumière.
Quelques conseils pour une visite réussie à Cal Binigaus
La popularité croissante de Minorque n’a pas encore totalement bouleversé Cala Binigaus, mais pour en profiter pleinement, mieux vaut suivre quelques règles simples :
- Évitez les heures de pointe en été : venez tôt le matin ou en fin d’après-midi.
- Préférez le printemps ou l’automne, quand la mer est encore douce et le sentier plus tranquille.
- N’oubliez rien : pas d’eau, pas d’ombre, pas de commerces sur place.
- Respectez le lieu : emportez vos déchets, restez sur les sentiers et laissez la plage comme vous l’avez trouvée.
Les amateurs de nature, de photographie ou simplement de calme s’y sentiront vite chez eux. Cala Binigaus n’offre pas le confort des plages touristiques, mais elle offre mieux : une sensation de liberté rare, celle d’être loin du monde sans avoir eu besoin de partir très loin.
Minorque dans ce qu’elle a de plus vrai
Cala Binigaus résume à elle seule l’esprit de Minorque : un équilibre fragile entre préservation et partage, entre authenticité et accueil. C’est une plage pour les rêveurs patients, ceux qui préfèrent la simplicité au spectaculaire, la marche lente au parking devant le sable.
Je me souviens encore du retour ce jour-là : les pieds encore pleins de sable, le soleil qui descendait derrière les pins et cette impression de légèreté que seules les plages sincères laissent derrière elles. Cala Binigaus n’est pas un décor de carte postale, c’est un lieu à vivre, un espace de respiration au cœur d’une île qui ne cède pas à la frénésie.
Et c’est peut-être pour cela qu’on y revient toujours — non pour la redécouvrir, mais pour s’y retrouver.




