Sumbawa, plus discrète et sauvage que Lombok, Java ou Bali, est un joyau à découvrir lors d’un périple en Indonésie. Située entre Lombok et Flores, cette île d’Indonésie échappe encore au tourisme de masse. Pas de cafés branchés à chaque coin de rue ni de plages bondées — ici, le temps s’écoule lentement, au rythme des vagues et du vent.
Sumbawa, entre volcans et traditions vivantes
Quand on débarque à Sumbawa, on sent tout de suite qu’on change de rythme. L’île semble respirer différemment — moins bruyante, moins pressée. Les routes se faufilent entre collines arides et rizières verdoyantes, les buffles paressent sous le soleil, et les villages conservent cette simplicité qui fait tout le charme de l’Indonésie rurale. Ici, chaque recoin raconte une histoire, chaque visage croisé semble venir d’un autre temps.

Une île façonnée par le feu et la mer
Impossible d’évoquer Sumbawa sans parler du mont Tambora, géant endormi depuis sa terrible éruption de 1815. Ce cataclysme fut si violent qu’il bouleversa le climat mondial, plongeant la planète dans une « année sans été ». Aujourd’hui, le volcan veille sur l’île, massif et apaisé, comme un souvenir figé de la puissance de la nature.
L’ascension du Tambora une véritable aventure, difficile, qui doit se faire avec un guide. Trois jours de marche à travers la jungle, des nuits à la belle étoile, et au sommet, cette vue irréelle sur la caldeira immense. On se sent minuscule face à ce cratère de six kilomètres de diamètre, vestige d’une éruption qui a changé l’histoire du monde.
Mais Sumbawa, ce n’est pas seulement la terre et le feu. C’est aussi une île d’eau, entourée de mers aux reflets bleus et argentés. Les côtes du sud s’étirent dans une succession de criques isolées et de plages vierges où les vagues attirent surfeurs et rêveurs. À Hu’u Beach, plus connue sous le nom de Lakeys, les riders du monde entier se croisent, planche sous le bras, en quête de la vague parfaite. Plus loin, Scar Reef et Yo-Yo’s offrent des rouleaux plus puissants, réservés aux initiés.

Traditions, croyances et hospitalité
Loin des zones touristiques, la vie quotidienne à Sumbawa reste profondément marquée par la tradition. La plupart des habitants sont musulmans sunnites, mais la religion se mêle encore aux anciennes croyances animistes. Dans certains villages, on consulte encore les dukun, ces guérisseurs et chamans respectés, pour soigner les maux du corps ou de l’âme.
Les fêtes locales, souvent liées aux récoltes, sont des moments de partage où tout le village se réunit. Parmi elles, le Pasaji Ponan, une cérémonie agricole organisée pour remercier la terre après la moisson. On y danse, on y chante, et on y déguste le riz fraîchement récolté. Ces traditions, transmises de génération en génération, reflètent une harmonie rare entre l’homme et la nature.
Les Sumbawa sont d’une gentillesse désarmante. On m’a souvent invitée à partager un café noir ou un plat de poisson grillé sur un coin de terrasse. Ici, pas de faux-semblants : la curiosité est sincère, les sourires aussi. Et même sans parler la langue, on se comprend à travers les gestes et les rires.
Comment se déplacer sur l’île ?
Voyager à Sumbawa, c’est accepter que les distances se mesurent plus en temps qu’en kilomètres. Les routes serpentent entre montagnes, villages et côtes sauvages, offrant des paysages magnifiques… mais parfois des trajets un peu chaotiques. Heureusement, plusieurs options permettent d’explorer l’île selon son rythme et son budget :
- Bus et minibus locaux : les liaisons entre les grandes villes comme Sumbawa Besar et Bima se font en bus ou bemo (minibus). C’est économique, un peu lent, mais parfait pour s’immerger dans la vie locale. Pour les trajets courts, on trouve aussi des ojeks, ces motos-taxis pratiques et bon marché.
- Location de scooter ou voiture : la solution préférée des voyageurs indépendants. Le scooter permet de rejoindre les plages isolées et les petits villages à son rythme. Pour plus de confort, louer une voiture avec chauffeur reste une bonne option, surtout sur les longues distances ou les routes en mauvais état.
- Taxis et chauffeurs privés : disponibles dans les villes principales ou via les hébergements. Idéal pour organiser une excursion sur mesure, par exemple vers le mont Tambora ou les grottes de Batu Tering.
- Bateaux et navettes maritimes : indispensables pour rejoindre l’île de Moyo ou d’autres petits îlots voisins. On peut choisir entre bateaux traditionnels et navettes rapides selon le budget et la météo.
🛵 À savoir avant de prendre la route :
- Les routes principales sont correctes, mais certaines pistes deviennent difficiles, surtout en saison des pluies.
- Sumbawa est grande et peu développée : les trajets sont souvent plus longs qu’on ne le pense.
- Pour les treks (comme le Tambora), mieux vaut passer par une agence locale avec véhicule adapté et guide expérimenté.
Sumbawa Besar, cœur historique de l’île
Pour comprendre Sumbawa, il faut commencer par Sumbawa Besar, la principale ville de l’ouest. Elle n’a rien d’une capitale touristique, mais c’est justement ce qui la rend intéressante. On y découvre un quotidien indonésien authentique, avec ses marchés bruissants et ses ruelles où les scooters se frayent un chemin entre les étals de fruits.
Ne manquez pas l’Istana Dalam Loka, l’ancien palais du sultan, entièrement construit en bois de teck. C’est un bâtiment impressionnant, perché sur des pilotis, qui raconte les grandes heures du sultanat de Sumbawa. À quelques pas, la Grande Mosquée dévoile son architecture imposante, tandis que le marché traditionnel regorge d’épices, de poissons séchés et de textiles colorés.
Mégalithes, grottes et légendes : Batu Tering
Non loin de là, le village de Batu Tering abrite des sites archéologiques surprenants. On y trouve des sarcophages en pierre datant du Néolithique, sculptés de figures humaines et animales, notamment des crocodiles. L’endroit dégage une atmosphère mystique, presque hors du temps.
À proximité, la grotte Liang Petang et la grotte Liang Bukal invitent à l’exploration. On peut y observer des colonies de chauves-souris, se baigner dans des bassins naturels ou simplement admirer les formes étranges dessinées par la roche. Ces lieux, encore méconnus, témoignent d’une histoire millénaire que peu d’Indonésiens eux-mêmes connaissent.
Pulau Moyo, un joyau préservé
Face à la côte nord, l’île de Moyo semble flotter entre rêve et réalité. C’est une réserve naturelle protégée, couverte de forêts tropicales et entourée d’un lagon turquoise. On y croise des cerfs timides, des buffles sauvages, et parfois, au détour d’un sentier, une cascade cachée dans la végétation.
La plus célèbre, Mata Jitu, est un petit paradis. Ses bassins d’eau claire, ses vasques calcaires et le murmure de l’eau composent un décor de carte postale. C’est l’endroit parfait pour une pause baignade après une randonnée.
Autour de Tanjung Manis, les amateurs de snorkeling trouvent leur bonheur : coraux intacts, poissons multicolores, et parfois même la chance d’apercevoir des raies manta ou un requin-baleine. Pulau Moyo reste l’un de ces endroits rares où la nature garde encore la main.
Le mont Tambora, géant endormi
Gravir le Tambora, c’est un peu comme remonter le temps. L’ascension débute souvent au petit matin, dans une lumière dorée qui caresse les herbes hautes. Les guides locaux connaissent chaque détour du sentier, chaque pierre noire vestige de la dernière colère du volcan.
En haut, l’immensité de la caldeira coupe le souffle. On imagine difficilement qu’un tel cratère ait pu projeter assez de cendres pour plonger le monde dans la pénombre. La vue porte jusqu’à la mer, et on ressent ce mélange d’émerveillement et de respect que seul un volcan peut inspirer.
Sumbawa, le paradis des surfeurs
Sumbawa est une légende dans le monde du surf, mais reste bien plus calme que Bali ou Lombok. Ses plages du sud-ouest offrent un spectacle permanent : des rouleaux d’une régularité parfaite, des eaux cristallines et des couchers de soleil qui embrasent le ciel.
À Hu’u Beach (Lakeys), l’ambiance est détendue : petits warungs (restaurants locaux), surfeurs bronzés, gamins qui s’essayent sur des planches en bois. Plus au nord, Sekongkang et Scar Reef attirent les amateurs de vagues puissantes.
Mais même sans planche, les plages de Sumbawa séduisent : sable clair, silence, et parfois la chance d’apercevoir des tortues venir pondre entre mai et novembre. Ces moments suspendus font partie de la magie de l’île.
Les trésors culturels de l’est : Bima et Bungin Island
À l’est, Bima se distingue par sa vitalité culturelle. On y découvre des spectacles de danse, des démonstrations d’arts martiaux traditionnels (pencak silat), et des tissus indigo tissés à la main, typiques de la région.
Tout près, Bungin Island est un lieu à part. Construite sur un récif corallien, cette île minuscule est l’une des plus densément peuplées au monde. Les maisons y sont serrées les unes contre les autres, bâties sur pilotis, et les habitants, les Bajau, sont de véritables nomades de la mer. Ils vivent de la pêche et perpétuent un mode de vie ancien, en harmonie avec les marées.
Pour qui est faite Sumbawa ?
Sumbawa ne cherche pas à séduire tout le monde — et c’est très bien ainsi. Elle plaira à ceux qui aiment les voyages lents, les routes encore cabossées, et les rencontres sans artifices.
C’est une île pour les curieux, les aventuriers patients, ceux qui acceptent de sortir du confort pour gagner une authenticité rare.
Les indispensables à emporter ?
- Une bonne dose de flexibilité (les ferrys ne sont pas toujours à l’heure)
- Un sens de l’observation, pour saisir la beauté discrète de chaque lieu
- Et surtout, le goût de l’imprévu, car Sumbawa ne se dévoile jamais tout à fait, elle se laisse apprivoiser.



