Perchée à plus de 3 400 mètres d’altitude, la gare du Jungfraujoch est un lieu qui donne littéralement le vertige. Accessible par un train à crémaillère mythique, elle marque l’un des points culminants accessibles d’Europe, entre le Mönch et la Jungfrau, dans un décor de glace et de roche où le silence semble suspendu dans l’air. C’est un endroit qui fascine autant qu’il questionne : comment ce chef-d’œuvre d’ingénierie a-t-il vu le jour ? Que reste-t-il d’authentique dans un site aujourd’hui devenu une attraction phare des Alpes suisses ?
Gare du Jungfraujoch, la plus haute station en Europe
Lorsque le train à crémaillère quitte Kleine Scheidegg, on sent tout de suite que ce trajet ne ressemble à aucun autre. Le wagon se met à grimper lentement, le bruit des rails se mêle à celui du vent, et les montagnes semblent se rapprocher, comme si elles vous observaient. En à peine quarante minutes, on passe d’un décor alpin verdoyant à un monde minéral et glacé. Et puis soudain, tout s’arrête. Le train entre dans un tunnel, la lumière se fait rare, et la magie se prépare : au bout de ce long serpent d’acier, la gare du Jungfraujoch, suspendue entre ciel et glace.

Une prouesse née d’un rêve
Construite au début du XXe siècle, la ligne de la Jungfrau est le fruit d’un projet aussi audacieux que démesuré pour l’époque. Les travaux ont duré seize ans, entre 1896 et 1912, à coups de dynamite, de sueur et de courage. Le chantier, perché à plus de 3 000 mètres d’altitude, mobilisait des centaines d’ouvriers dans des conditions extrêmes. Certains y ont laissé la vie, d’autres leur santé.
Mais l’ambition du projet était claire : permettre à tout un chacun d’atteindre les sommets sans cordes ni piolets. Une idée visionnaire, qui a transformé la relation entre l’homme et la montagne. Aujourd’hui encore, chaque passager du train ressent un peu de cette audace d’ingénieur — cette volonté farouche de repousser les limites du possible.
Le trajet : un spectacle avant le sommet
Tout commence à Interlaken Ost, petite gare alpine entourée de lacs turquoise. De là, il faut enchaîner les correspondances, comme une montée en trois actes :
- Interlaken → Lauterbrunnen ou Grindelwald : les vallées verdoyantes et les chalets pittoresques servent de mise en bouche.
- Kleine Scheidegg → Jungfraujoch : le train à crémaillère, pièce maîtresse du voyage, serpente lentement vers le ciel.
Le tunnel creusé à même la montagne réserve aussi quelques surprises : deux arrêts intermédiaires, dont celui d’Eismeer, permettent de contempler les glaciers à travers d’immenses fenêtres vitrées taillées dans la roche. On y reste quelques minutes, juste le temps de ressentir le frisson de l’altitude et d’observer ce monde gelé où tout semble figé dans le temps.
Le dernier tronçon est silencieux, presque solennel. Puis, après plus de deux heures de montée depuis Interlaken, le train s’arrête. Vous êtes à 3 454 mètres d’altitude, sur le toit de l’Europe.
Le Top of Europe : entre émerveillement et vertige
En sortant du train, on ne s’attend pas à trouver… une véritable petite ville souterraine. La gare du Jungfraujoch est taillée dans la roche, équipée de quais, d’un espace d’accueil moderne, de restaurants, de boutiques et même de Wi-Fi. Mais le clou du spectacle se trouve un peu plus haut, au Sphinx, un observatoire accessible par un ascenseur rapide.
En haut, le panorama est à couper le souffle :
- d’un côté, les sommets de l’Eiger, du Mönch et de la Jungfrau, majestueux et immobiles ;
- de l’autre, l’immensité du glacier d’Aletsch, serpent de glace de plus de 20 km de long, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Là-haut, l’air est rare et pur. On sent le froid piquer les joues, mais impossible de se lasser de cette lumière éclatante qui se reflète sur la neige éternelle. On reste là, un peu sonné, partagé entre admiration et humilité devant tant de grandeur.
Les expériences à ne pas manquer sur place
Le Jungfraujoch n’est pas seulement un point de vue : c’est une expérience complète, pensée pour faire vivre la haute montagne sans efforts techniques. Plusieurs attractions se succèdent, parfois un peu touristiques, mais souvent fascinantes :
- Le Palais de glace, véritable labyrinthe souterrain taillé dans le glacier, où des sculptures de pingouins et d’ours polaires semblent figées dans un conte gelé.
- L’Alpine Sensation, un espace muséographique retrace l’épopée du chantier et du tourisme alpin, avec une scénographie immersive qui rend hommage aux ouvriers de la Jungfrau.
- Les terrasses extérieures, où l’on peut marcher quelques minutes sur la neige, appareil photo en main, le cœur battant plus vite à cause de l’altitude.
On y trouve aussi des restaurants panoramiques, des boutiques de souvenirs et même une petite chocolaterie suisse qui fonctionne à 3 500 mètres ! L’endroit peut paraître un peu commercial, mais difficile de ne pas céder à la tentation d’un chocolat chaud en regardant les sommets.
Jungfraujoch, entre authenticité et tourisme de masse
Visiter la gare du Jungfraujoch, c’est aussi se confronter à une question délicate : comment préserver l’âme d’un lieu aussi emblématique tout en accueillant des milliers de visiteurs par jour ?
À certaines heures, surtout en été, le site peut sembler saturé : files d’attente, selfies, groupes entiers suivant un guide brandissant un drapeau… Pourtant, il suffit de quelques minutes de silence pour ressentir de nouveau la puissance du lieu. Sortir sur la terrasse du Sphinx quand le vent siffle, observer les nuages glisser le long des crêtes — voilà le Jungfraujoch dans sa vraie dimension : un dialogue entre l’homme et la montagne.
Pour ma part, j’ai choisi de venir tôt le matin, avec le premier train. À cette heure, la lumière est douce, les couloirs encore calmes. On a presque l’impression d’être seul face à l’immensité. Et c’est peut-être là, dans ces moments suspendus, que la magie du Jungfraujoch se révèle pleinement.
Infos pratiques : préparer sa visite à Jungfraujoch
Même si le voyage jusqu’au Jungfraujoch est fluide et bien organisé, quelques conseils peuvent transformer l’expérience :
Horaires et trajets
Les trains circulent toute l’année, avec un départ environ toutes les 30 minutes depuis Kleine Scheidegg. Depuis Interlaken Ost, il faut compter 2h30 à 3h de trajet selon les correspondances. Le nouveau Eiger Express, téléphérique ultra-moderne reliant Grindelwald à Eigergletscher, permet de gagner près d’une heure tout en profitant d’une vue spectaculaire sur la face nord de l’Eiger.
Tarifs (2025)
Les prix varient selon la saison : entre 90 et 180 CHF l’aller-retour depuis Interlaken. Des réductions existent avec le Swiss Travel Pass, pour les enfants et les groupes. Les billets combinés avec le téléphérique sont souvent plus avantageux.
Conseils d’altitude
À 3 454 mètres, certains visiteurs ressentent un léger malaise lié au manque d’oxygène. Marcher lentement, bien s’hydrater et éviter les efforts brusques suffisent généralement à l’atténuer. Mieux vaut aussi :
- Prévoir des vêtements chauds, même en plein été.
- Réserver les billets à l’avance, car les trains sont souvent complets en haute saison.
- Se renseigner sur la météo, car la visibilité peut changer en quelques minutes.



